Il faut relancer l'idée fédérale
Europe élargie et Union politique La consultation des sections locales et associations membres a montré combien était forte laspiration des militants du Mouvement européen - France à ce que lUnion européenne retrouve, dans la perspective des nouveaux élargissements, une dynamique dapprofondissement quelle a perdue depuis la signature du Traité de Maastricht, malgré le passage à leuro. La conférence intergouvernementale, qui sest ouverte sous présidence portugaise et doit sachever dici la fin de lannée sous présidence française, constitue une étape importante non seulement pour améliorer lefficacité des institutions européennes, mais aussi pour aller plus loin sur la voie de lintégration. Europe élargie et Union politique sont aujourdhui indissolublement liées.
1- Lélargissement est à la fois une chance et un défi pour lUnion européenne
Des négociations dadhésion ont été ouvertes, en mars 1998, avec les six premiers candidats (Chypre, Estonie, Hongrie, Pologne, République Tchèque, Slovénie) conformément à la décision du Conseil européen de Luxembourg, puis tout récemment, en février 2000, avec les six autres candidats (Bulgarie, Lettonie, Lituanie, Malte, Roumanie, Slovaquie) conformément à la décision du Conseil européen dHelsinki, soit au total douze conférences. La Turquie sest vu reconnaître, à Helsinki, le droit dentrer en négociation dès lors quelle remplira les critères politiques définis au Conseil européen de Copenhague. Lélargissement de lUnion européenne à douze pays candidats plus la Turquie constitue un acte politique majeur pour lensemble du continent européen. Il nest pas seulement lexpression dune volonté de mettre fin aux séquelles de la guerre froide et de tirer les enseignements de la guerre au Kosovo. Il est aussi la reconnaissance de la légitimité des aspirations des pays candidats à la prospérité économique et sociale et à la sécurité intérieure et extérieure, sans porter atteinte à leur identité nationale. Il est, enfin, un encouragement à ce que les efforts importants consentis par ces pays pour créer un état de droit, rattraper leur retard économique et reprendre lacquis communautaire soient poursuivis. Le processus délargissement entre dans une phase décisive à un moment où la zone euro est constituée et où la croissance se consolide en Europe sous leffet de la reprise de linvestissement et de lémergence de la nouvelle économie. Garantie de stabilité pour lEurope entière, il correspond donc à la fois à notre devoir politique et à nos intérêts stratégiques et économiques. Une préparation sérieuse de la part de lUnion européenne conditionne sa réussite. Cet élargissement demeure un processus complexe qui ne ressemble à aucun des quatre élargissements antérieurs où il sagissait détendre le modèle dintégration sans bouleverser les institutions de lUnion, les politiques communes et les ressources propres et de faire reposer lessentiel de lajustement sur les candidats eux-mêmes. En effet, la Commission européenne na jamais négocié avec des pays candidats, en aussi grand nombre et aussi hétérogènes. Malgré un effet de rattrapage récent dû à des politiques économiques courageuses, le niveau de développement économique et social de la plupart des pays candidats demeure sensiblement inférieur à celui des neuf Etats membres qui ont adhéré précédemment. Leurs structures économiques et sociales sont souvent fragiles, avec des conséquences lourdes en termes de chômage, de sous-emploi, de dysfonctionnement des services publics et sociaux et daggravation de la situation des femmes. Des conflits ethniques restent latents. Les progrès de lEtat de droit et la culture de la négociation dans nombre de pays candidats sont insuffisants. La reprise de lacquis communautaire ne sappuie pas, comme pour lAutriche, la Finlande et la Suède, sur lapprentissage de règles et disciplines communes dans le cadre de lEspace économique européen. Enfin et surtout, il ne sagit plus seulement dadhérer à une Union douanière ou à une Communauté économique, mais à une Union à trois piliers qui ont, chacun, leurs règles, leur acquis et leur dynamique et qui impliquent ladhésion à un projet politique commun. Le principe de différenciation selon lequel les progrès dans les négociations dépendront uniquement des " mérites " de chacun est mis en avant par la Commission pour montrer que tous les candidats sont sur un pied dégalité. Mais il ne constitue pas un mandat de négociation suffisant. Dès lors, le risque est grand, sagissant du premier pilier, que les négociations se concluent avec des délais de transition dautant plus longs ou des dérogations dautant plus étendues, pour la reprise de lacquis communautaire et des politiques communes, que lUnion renoncera à réformer ces politiques communes ou à en assurer le financement. En outre, il est à craindre que les pays candidats ne prennent prétexte des dérogations obtenues par certains Etats membres pour en réclamer pour eux-mêmes. Il faut, au contraire, prendre le temps de traiter à fond tous les problèmes qui se posent, en privilégiant les solutions les plus respectueuses de lunicité du marché intérieur, en aidant les pays candidats à sadapter aux règles et disciplines de lUnion et en ne leur faisant pas porter tout le poids de lajustement économique et social. Il faut aussi reconnaître et expliquer, dès maintenant, aux opinions publiques que le coût de lélargissement sera élevé et nécessitera dans certains secteurs de nos économies (agriculture, pêche, industrie de première transformation) des efforts de restructuration mais quil trouvera sa contrepartie dans une croissance plus soutenue et dans de nouveaux débouchés, à linstar de lélargissement à lEspagne et au Portugal. Le risque est aussi grand, sagissant des deuxième et troisième piliers, que la négociation ne se limite à une vérification à la sauvette que chaque pays candidat approuve les objectifs de lUnion politique. Une telle fuite en avant conduirait tôt ou tard lUnion européenne élargie à la paralysie et au recul de son processus dintégration. Enfin, il faut réaffirmer que ce grand élargissement ne saurait se faire au détriment des solidarités anciennes avec les pays du sud de la méditerranée et avec les pays ACP. Cest en ce sens que ce processus est à la fois une chance et un défi pour lUnion européenne.
2- Lobjectif fédéral doit être clairement reconnu Mais une Europe ainsi élargie implique, au préalable, dans les Etats membres une réflexion et un débat approfondis sur la nature même de lUnion auxquels les pays candidats doivent être associés. Les Quinze doivent avoir le courage de clarifier le projet politique quils entendent conduire dans les prochaines décennies, en termes de valeurs partagées, de principes dorganisation et dambitions internationales. Deux conceptions de lEurope
saffrontent, depuis longtemps, au sein même de lUnion,
comme la rappelé le débat sur lattitude à
adopter vis-à-vis de lAutriche : Le Mouvement européen - France se retrouve dans la première conception. Pour lui, lUnion européenne se définit dabord par lattachement de ses Etats membres à des valeurs communes. Elle se définit aussi par la volonté de ses peuples de se réunir et par les objectifs politiques ambitieux quelle se fixe pour concrétiser progressivement lobjectif fédéral, cest-à-dire la création non pas dun super-Etat centralisé mais dune Union disposant dun système institutionnel sui generis soumis au principe de subsidiarité et régi par un cadre constitutionnel. Elle se caractérise enfin par des institutions et des procédures qui permettent de faire prévaloir lintérêt général, tout en prenant en compte les spécificités nationales. Or, ces trois composantes intégrantes de lUnion sont aujourdhui défaillantes. Les valeurs les mieux partagées sont contestées, les comportements identitaires foisonnent, lambition politique sétiole, les institutions et le processus de décision communautaire sont en voie de paralysie, lintergouvernemental se développe avec la tentation de se placer en marge du cadre et des méthodes de lUnion. La gouvernance de lUnion est en crise, ce qui, pour lopinion publique, est dautant moins compréhensible quon na jamais vraiment pris la peine de lui expliquer sa raison dêtre et ses règles. Dans ce contexte, lengagement en faveur dune relation exemplaire entre la France et lAllemagne sans exclusive est essentiel. De même, la conférence intergouvernementale sur la réforme institutionnelle nen revêt que plus dimportance. Non seulement les trois questions laissées en suspens par le traité dAmsterdam doivent être réglées, mais il faut aller plus loin. Sagissant tout dabord
de ces trois questions, le Mouvement européen France se
prononce en faveur des orientations suivantes : Ces trois points, dont le règlement
est prioritaire, ne sauraient constituer la seule finalité de la
CIG. Trois autres grandes questions devront être tranchées
: Dautres mesures ne relevant pas dune modification du traité devront être aussi prises. Cela concerne au premier chef le fonctionnement du Conseil quil convient daméliorer, en particulier dans certaines de ses formations, et la simplification de la comitologie. Cela concerne aussi, pour la France, la nécessaire réforme du mode de scrutin aux élections européennes. Mais la profonde réforme institutionnelle, dont le Mouvement européen France affirme la nécessité depuis de longs mois, nest pas une condition suffisante pour réussir le nouvel élargissement. Elle doit être complétée, dès maintenant par une réflexion sur les objectifs, les politiques et les ressources financières dune Union élargie, cest-à-dire sur les conditions dune intégration réussie. Sagissant des objectifs, deux clarifications sont nécessaires : dune part, limportance nouvelle donnée depuis Amsterdam à la définition dun modèle social européen exige quen soient précisées les implications pour les pays candidats ; d autre part, il convient de clarifier, de manière compréhensible par les citoyens européens, les compétences respectives de lUnion et des Etats membres conformément au principe de subsidiarité. Quant aux politiques communes, elles doivent pouvoir fonctionner dans le cadre dune Union élargie, à égalité de droits et de devoirs entre tous les Etats membres.
3- Le financement des politiques communes doit être assuré La négociation sur lagenda 2000 a été longue et difficile. Le Conseil européen de Berlin a réglé les dossiers les plus brûlants en définissant un cadre financier pour 7ans. Il na pas pour autant réglé tous les problèmes. En effet, il se situe dans une problématique dEurope à quinze sans prendre en compte complètement la perspective des élargissements. Il rompt surtout avec une conception de la solidarité qui a prévalu jusqualors. Les nouveaux Etats membres bénéficieront dune extension partielle de la politique agricole commune et des fonds structurels. Le Conseil européen dHelsinki ayant modifié la donne, laccord financier pluriannuel devra être révisé avant les premières adhésions. La réouverture du paquet de Berlin doit être loccasion de sortir du raisonnement étroit des soldes nets en acceptant de relever le plafond des ressources propres. Les performances économiques des pays de la cohésion bénéficiaires en 1992 du fonds de cohésion et les avantages commerciaux quen tirent les autres Etats membres ne sont-elles pas là pour montrer que la solidarité entre Etats membres est bénéfique à lensemble de lUnion ? Elle doit aussi permettre de poser le problème de la création de véritables ressources propres à caractère fiscal. |