Préambule :
Le Mouvement Européen des Yvelines a organisé au sein
de ses sous sections locales des réunions de concertation et
de réflexion sur les réactions et les attentes de nos
adhérents et sympathisants à la suite du Conseil Européen
de Nice.
Le Gouvernement ayant décidé de lancer un débat
national sur les enjeux et les finalités d'une Union Européenne
élargie, on peut penser que les réactions exprimées
actuellement seront influencées dans les mois qui viennent par
ce grand débat auquel nous ne manquerons évidemment pas
de participer activement. Les réflexions rapportées ci
dessous sont donc susceptibles d'évoluer.
En raison du peu de lisibilité pour le grand public des réformes
institutionnelles décidées à Nice, et des commentaires
divers qui en ont été faits dans les media, la réaction
la plus générale est l'inquiétude devant un élargissement
à 27 dont on ne voit pas clairement quelles seront ses conséquences
sur la vie quotidienne de chacun. De l'avis général l'opinion
s'étonne et s'inquiète de ne pas comprendre où
on veut la mener.
Le document du Mouvement Européen France " Préparer
activement l'échéance de 2004 " qui nous a été
adressé brosse une analyse très pertinente du devenir
de l'Europe après Nice.
Cependant, avant de répondre directement aux questions posées
qui concernent essentiellement les moyens à mettre en uvre
pour obtenir une Union Européenne viable à 27 ou 30, il
paraît nécessaire de définir d'abord clairement
quelle Europe nous voulons construire, quelle est l'Europe que nous
voulons.
Il ressort de nos réflexions que pour recueillir l'adhésion
des peuples appelés à constituer l'Union Européenne,
et cette adhésion sera indispensable, il faudrait :
1. Eriger en socle de nos institutions les valeurs universelles de liberté,
d'égalité devant la loi, de solidarité, et les
principes de démocratie et d'Etat de droit. Pour cela, donner
une force contraignante à la Charte des Droits Fondamentaux de
l'Union, et prévoir en outre un mécanisme de révision
permettant d'ajouter de nouveaux droits.
2. Fixer les objectifs de l'Union à moyen et long terme.
Ceux qui sont considérés comme fondamentaux sont notamment
:
La paix en Europe (stabiliser l'Europe centrale)
La paix pour l'Europe (à l'extérieur)
La sécurité des personnes et des biens
L'emploi (par le développement de l'économie et des échanges)
La distribution équitable des richesses
La protection sociale
Le respect des identités (préserver les diversités
culturelles)
La préservation de l'environnement
Enfin il devrait être proclamé que l'objectif de l'Union
n'est pas de devenir une puissance hégémonique dans le
monde
3. Poser les principes qui présideront à l'architecture
institutionnelle de l'Union, et notamment :
è L'architecture institutionnelle sera celle qui permettra d'atteindre
au mieux les objectifs fixés en respectant les valeurs fondamentales.
- Le pouvoir de proposer une constitution devra être donné
(sur le modèle de la " convention ") à un organisme
dans lequel siègeront des représentants : des gouvernements
nationaux, des Parlements nationaux, de la Commission, et du Parlement
Européen. La société civile organisée devra
y participer également avec voix consultative.
-Cette constitution, incluant la Charte, devra être ratifiée
par les populations de tous les Etats (membres et candidats).
-Les transferts de compétences seront réalisés
selon les principes d'efficacité du management, c'est à
dire en ne déléguant à l'échelon supérieur
(l'Union) que ce qui ne peut pas être fait aussi bien à
l'échelon inférieur (national) : c'est le principe de
subsidiarité. En conséquence tout ce qui n'aura pas été
explicitement délégué à l'Union devra rester
de la compétence des Etats membres.
- La démocratie sera représentative, mais en prévoyant
une coopération plus étroite avec la société
civile organisée.
- Elle respectera strictement le principe de la séparation des
pouvoirs.
- L'équilibre entre les pouvoirs exécutif, législatif,
judiciaire sera instauré avec des procédures de règlement
en cas de conflit.
- Toutes les procédures devront être transparentes pour
le public.
4. Demander l'adhésion des peuples aux dispositions ci dessus
par voie démocratique (référendum ?)
En effet il parait vraisemblable qu'une fois ces valeurs, objectifs,
et principes proclamés et adoptés légalement par
les populations des Etats membres (et candidats), on y verrait plus
clair pour discuter et négocier sur les institutions qui ne sont
que la définition des moyens à mettre en uvre pour
atteindre les objectifs en respectant les valeurs et les principes.
Les points évoqués ci-dessus donnent déjà,
si on y adhère, des éléments de débat et
de réponses aux 4 questions posées par le Gouvernement
pour le débat national ; ainsi on pourrait schématiquement
répondre :
1°/ La délimitation des compétences entre les Etats
membres et l'Union ?
En fonction des objectifs fixés, et en respect du principe de
subsidiarité
2°/ Le rôle des Parlements nationaux ?
Participer à l'élaboration de la constitution, à
la décision des délégations de compétences,
adapter la législation de l'Union, légiférer sur
tout ce qui ne lui a pas été explicitement délégué.
3°/ La simplification des traités européens ?
en dotant l'Europe d'une constitution
4°/ Le statut de la Charte ?
en préambule de la constitution, avec possibilité de sanctions
Les réponses aux questions posées par le Mouvement Européen
France :
1°/ Quelles politiques communes conduire à 27 ?
Si l'on adopte les objectifs et les priorités ci dessus, les
politiques communes à conduire, in fine, à 27 concernent
:
La politique extérieure, la défense, la sécurité,
la politique économique, agricole
la fiscalité et la politique sociale
la politique culturelle
la politique de l'environnement
Cependant en raison de l'hétérogénéité
des pays candidats, des coopérations renforcées devront
pouvoir être mises en place temporairement pour accélérer
la construction de l'Union entre les pays qui pourront y prétendre.
C'est là un problème technique.
Le contenu de ces politiques à mettre en commun devra être
défini, en appliquant le principe de subsidiarité, par
les instances qui en auront constitutionnellement la charge : c'est
à elles, et non au simple citoyen, de faire des propositions
respectant les objectifs et principes définis ci dessus. Tel
est bien le rôle des représentants du peuple, dans le cadre
du mandat qui leur est confié. Ces propositions devront être
ratifiées par les Parlements nationaux et au besoin par référendum.
2°/ Comment renforcer la place de l'Europe dans le monde ?
Compte tenu de l'importance de son marché intérieur en
fonction du nombre de sa population et de la libre circulation des personnes
et des biens, l'Europe aura la place qui lui revient dans le monde si
elle affiche une détermination politique avec des valeurs et
des objectifs clairement identifiés. Tant que les citoyens européens
eux mêmes ne verront pas où on veut les mener, il ne sera
pas étonnant que les pays non européens n'aient qu'une
confiance limitée en l'Union.
D'autre part il est important que l'Europe dispose d'une force de défense,
et la décision de Nice marque, à cet égard, une
étape importante. Encore faudrait il que l'on définisse
précisément quelles seront les missions de cette force,
dans quels cas elle agira seule ou en collaboration avec l'OTAN, et
dans quels cas elle pourrait ou non agir sous commandement de l'OTAN.
3°/ Comment améliorer les mécanismes de décisions
décidés à Nice ?
Il est évident qu'il faut élargir, voire généraliser
le vote à la majorité qualifiée. Mais l'essentiel
nous paraît être de clarifier les objectifs. Ce sera ensuite
la nouvelle constitution, élaborée comme indiqué
ci dessus, qui fixera les mécanismes de décision.
4°/ Quel sens donner au projet de constitution dont la charte
serait le préambule ?
La constitution devra à la fois fixer les valeurs (la Charte),
les objectifs, et les institutions mises en place pour les respecter
et les atteindre.
En ce qui concerne la négociation des traités, il est
évident qu'il faudra y associer les Parlements nationaux, et
que des liens (peut être sous forme d'organismes consultatifs)
devront être établis avec la société civile
organisée.
5°/ Quel usage faire des coopérations renforcées,
avec qui, sur quels sujets ?
Si cela permet à un groupe de pays de construire plus rapidement
un ensemble cohérent dans les domaines jugés essentiels,
pourquoi pas ? Mais ce serait aux pays qui ne voudraient pas, ou qui
temporairement ne pourraient pas, satisfaire à certaines dispositions,
de demander à rester dans l'Union tout en ne faisant pas partie
du groupe de tête. C'est en fonction des négociations qu'on
pourra en décider.
Comment obtenir que ces coopérations conduisent à la formation
d'une avant garde cohérente ?
En les négociant avec des pays suffisamment homogènes.
Comment éviter dans une Union élargie que le droit de
veto sur la révision des traités ne conduise à
l'immobilisme ?
En rendant certains points des traités révisables sous
certaines conditions, ou en permettant à certains Etats de sortir
de l'Union s'ils ne sont plus d'accord..
6°/ Comment rapprocher l'Europe du citoyen européen ?
En mettant en place des procédures transparentes, en diffusant
une information claire et aussi objective que possible, en parlant au
citoyen un langage qui ne lui apparaisse pas ésotérique.
Conclusion
Ces réflexions constituent plus une synthèse des réactions
de nos adhérents que des réponses précises aux
questions posées dans le document du M.E.F. Elles sont cependant
représentatives des attentes exprimées et nous semblent
à ce titre pouvoir contribuer à nourrir un débat
sur le devenir de l'Union Européenne.
Le Président du ME Yvelines
J.L. GASQUET