Contribution du groupe "Economique et social"
Le projet de construction européenne tel qu'il prend forme au lendemain de la seconde guerre mondiale est d'emblée un projet d'intégration politique. Le choix de l'intégration économique, sectorielle (charbon-acier) dans un premier temps, puis plus globale ensuite (Marché commun) a permis d'avancer vers cet objectif. A travers l'européanisation de secteurs clés, on créait des liens puissants entre les hommes et les femmes de tout le continent. Soulignons l'originalité de ce qui est à la base de la "Méthode communautaire" : une instance supranationale (la Haute Autorité) articulée à une instance intergouvernementale (le Conseil).
La relance de la construction européenne au milieu des années
80 s'est faite autour d'un objectif essentiel : la réalisation
du marché unique. Elle s'est prolongée au cours des années
90 avec l'objectif de l'union monétaire. Ces étapes de la
construction européenne ont été mises en uvre
suivant un calendrier strict et des critères impérieux auxquels
les Etats membres ont accepté volontairement de se soumettre. Les
dispositions sociales prises au cours de cette période ont eu essentiellement
pour rôle d'accompagner et de rendre possible la réalisation
de ces objectifs, elles n'avaient pas vocation à en infléchir
le cours.
L'Union doit faire face aujourd'hui à plusieurs enjeux de première
importance. En effet, elle reste à l'heure actuelle une zone de
chômage élevé. Les distorsions de concurrence en terme
de coûts et de compétitivités vont s'accroître
avec l'adhésion des Etats candidats. L'Europe doit, en outre, faire
face à un problème démographique qui a des implications
tant en terme de retraites que de définition d'une politique d'immigration
appropriée. Le développement partout en Europe de mouvements
populistes et chauvins, les craintes exprimées par les citoyens
des différents Etats de l'Union face au processus de mondialisation/globalisation
incitent à apporter des réponses hardies en créant
en Europe un espace qui assure aux citoyens européens un cadre
de développement personnel et collectif. Le projet politique européen est porteur d'un véritable choix de société notamment celui d'un modèle économique et social spécifique qui établit un équilibre entre le marché et l'intérêt général. Cette articulation implique qu'au nom de l'intérêt général, il soit pourvu à un certain nombre de services qui permettent au marché de fonctionner de façon plus satisfaisante pour tous les citoyens et d'améliorer l'environnement des entreprises. Les services d'intérêt général remplissent une mission incontestable de cohésion sociale et d'égalité territoriale, et doivent être mieux reconnus comme facteur important de la compétitivité globale de l'Europe. Les objectifs de l'Union européenne doivent être redéfinis de façon à mieux prendre en compte l'intérêt collectif européen, dont la satisfaction justifie pleinement le développement des services d'intérêt général. Cela doit être désormais inscrit dans les missions de l'UE (article 3 du Traité CE) et la définition de services publics européens cohérents doit être entreprise. La création de richesses réside dans l'achèvement
d'un cadre réglementaire favorable aux entreprises : harmonisation
fiscale, brevet européen, soutien à la recherche-développement,
développement d'un marché financier intégré
(avec notamment des règles prudentielles communes aux banques),
un statut d'entreprise européenne élargi et plus attractif,
Il faut que l'Union européenne soit beaucoup plus active en matière
de politique sociale, soit par la voie législative et réglementaire,
soit par la voie conventionnelle et contractuelle. Il n'est en effet ni
souhaitable sur le plan politique ni optimal sur le plan économique
que la politique sociale ne se développe pas au même rythme
que les autres politiques de l'Union. Le bon fonctionnement du marché
intérieur et la poursuite cohérente de la politique de la
concurrence impliquent non seulement une harmonisation fiscale mais aussi
le développement de standards sociaux communs à tous les
pays membres. Les grandes orientations économiques, et aussi sociales, de l'Union doivent être débattues plus largement. Pour rencontrer l'assentiment des peuples, l'Europe a besoin d'être discutée et débattue, au-delà des institutions formellement investies de responsabilité en ce domaine, et au-delà des consultations démocratiques. L'Europe a besoin de devenir aussi un espace public de discussion et de débat. Les partis politiques européens sont des acteurs importants de la vie publique, mais les organisations professionnelles européennes (d'employeurs comme de travailleurs) et les réseaux associatifs européens doivent, eux aussi, voir leur rôle reconnu dans la démocratie européenne naissante. La stratégie européenne de l'emploi a fourni un cadre où a été possible l'investissement dans un dossier européen qui leur était précédemment étranger de nombreux responsables patronaux et syndicaux à travers un échange de contributions et de bonnes pratiques. Nous suggérons que fort de cette expérience, un débat décentralisé dans toutes les régions de l'Union européenne soit lancé sur les grands chantiers de l'Union européenne. Le Mouvement Européen-France est favorable à un approfondissement du processus de Luxembourg et de la "méthode ouverte de coordination": des objectifs chiffrés sont fixés au niveau européen suivant un calendrier strict, les Etats membres les mettent en uvre selon des modalités propres en échangeant entre eux les "bonnes pratiques", une évaluation régulière des résultats permet d'apprécier avancées et difficultés. Il faut à présent avancer dans cette voie, avec l'objectif de "société de l'information et de la connaissance" fixé à Lisbonne (printemps 2000). La proposition périodique et régulière par les institutions européennes d'objectifs économiques et sociaux soumis au débat des citoyens et l'adoption suivant un agenda précis de critères de convergence sociaux (en terme de niveau) sont des moyens de rendre tangible l'intérêt de la construction européenne pour tous les Européens, tout en s'assurant de leur participation.
Une Europe forte et ouverte sur le monde L'Europe est dans une phase historique : son unification. L'intégration
aux pays d'Europe centrale et orientale est un devoir historique, une
nécessité politique et un formidable défi économique
dont tous (actuels Etats de l'Union et pays candidats) peuvent être
à terme gagnants. Cela suppose un effort accru des actuels Etats
membres pour faciliter l'insertion dans l'ensemble européen de
ces pays. Mais cela doit se faire dans la clarté : l'adhésion
à l'Union européenne est plus que l'adhésion à
un marché, c'est l'adhésion à un projet d'union politique
au service d'un modèle économique et social déterminé,
qui allie liberté d'initiative économique, dialogue social
et niveau élevé de protection sociale pour tous.
Pour ne pas manquer son rendez-vous politique historique et réaliser les différents points ci-dessus, l'Europe a besoin d'un véritable gouvernement, légitime et démocratique. Face à une mondialisation dont les effets induits, notamment sur le plan social, sont encore mal maîtrisés, l'Union européenne a besoin d'une coordination efficace des politiques économiques et sociales, et d'une véritable synergie des actions entreprises au niveau national. La fixation et le respect d'un cadre budgétaire commun sont donc une première étape en ce sens. Le Mouvement Européen-France appelle de ses vux une évolution de cette coordination budgétaire minimale vers un véritable gouvernement européen permettant à l'Union de disposer des instruments nécessaires à une croissance équilibrée et durable de son économie et un développement de ses citoyens. L'Union doit pouvoir disposer de l'autonomie budgétaire et des ressources nécessaires à l'accomplissement de ses missions démocratiquement définies, y compris par l'impôt et l'emprunt. Le Mouvement Européen est donc favorable à la transformation des ressources de transferts en ressources fiscales propres. Toutefois, si le rôle d'un gouvernement de l'Union est d'impulser des dynamiques et de définir des cadres généraux pour l'action, les Etats membres et les entités territoriales infra-nationales d'une part, les organisations syndicales et patronales pour les affaires sociales et du travail d'autre part, doivent largement demeurer, suivant les principes de subsidiarité et de proportionnalité, chargés de l'application et de la mise en oeuvre concrète.
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