Contribution du MEF à la convention sur l'avenir
de l'Europe
Avant-propos
Fort de ses convictions fédéralistes
et de son caractère de mouvement civique pluraliste, riche du rôle
très actif que jouent, au sein de la Convention, Pervenche Berès
et Alain Lamassoure au nom du Parlement européen ainsi qu'Hubert
Haenel au nom du Sénat, tous trois membres de son bureau national,
le Mouvement Européen-France doit arrêter maintenant ses
propositions sur la nouvelle architecture de l'Union. Il le fait à
l'issue d'un long processus de réflexion démocratique qui
a mobilisé tout au long de l'année d'une part les sections
et associations nationales membres, d'autre part les membres du bureau
national, des personnalités et des experts réunis au sein
de quatre groupes de travail. Il prend position après les trois
temps forts qu'ont été le conseil national du 6 juillet,
le colloque du 12 octobre " Besoins d'Europe " et la journée
d'études du 13 octobre.
Les thèmes qui sont
revenus le plus fréquemment dans les prises de position des sections
et les contributions individuelles sont les suivants :
- la nécessité
pour l'Europe de s'exprimer d'une seule voix sur les questions de politique
étrangère et de sécurité commune et dans les
institutions multilatérales, de doter cette politique de moyens
et de mettre en place une capacité de défense commune
;
- le besoin d'une politique
économique commune et la possibilité pour l'Union de
lever l'impôt ;
- la conclusion d'un traité
social ;
- la création d'un procureur
européen, la définition d'un corpus de règles
de procédure et d'infractions pénales et la communautarisation
du 3ème pilier ;
- le refus de la renationalisation
de la politique agricole commune et l'augmentation des moyens consacrés
à la politique régionale ;
- la création d'un
statut européen d'entreprises publiques ;
- l'élection d'un président
de l'Union par le Parlement européen et la régionalisation
du mode de scrutin aux élections européennes.
L'ensemble des contributions
fait l'objet d'un tiré à part.
Les rapports des trois groupes
de travail chargés de faire des propositions respectivement sur
le rôle de l'Union européenne dans le monde, sur le citoyen
au cur de la refondation de l'espace judiciaire européen,
enfin sur les questions économiques et sociales avec la participation
des partenaires sociaux, sont joints au présent document de synthèse
qui émane des travaux du quatrième groupe sur les questions
institutionnelles communes aux trois piliers.
Ces différents documents forment un tout indissociable pour exprimer
la position du Mouvement Européen-France sans pour autant lier
les membres de son bureau national qui siègent à la Convention
ni les personnalités et experts qui ont été associés
à ses travaux.
I. Les avancées de la Convention
Depuis le Conseil européen
de Séville, un consensus s'est dégagé au sein de
la Convention sur quatre sujets essentiels :
- le texte issu de la Convention ne comportera aucune option ;
- l'Union doit être dotée d'une personnalité juridique
qui permettra d'envisager une fusion des deux traités actuels,
le traité CE et le traité sur l'Union européenne,
et de rapprocher et rationaliser les divers instruments juridiques de
l'Union des différents piliers ayant une portée similaire
;
- le principe de l'intégration de la Charte des droits fondamentaux
dans le traité à caractère constitutionnel semble
acquis ;
- tout national d'un Etat membre sera citoyen de l'Union et utilisera
librement l'une ou l'autre citoyenneté avec les droits et les
devoirs qui sont attachés à chacune d'elles.
Après le second référendum
irlandais qui permet au traité de Nice d'entrer en vigueur, l'avant-projet
de traité constitutionnel présenté par le président
de la Convention à la séance plénière des
28 et 29 octobre 2002, huit mois après l'ouverture de la Convention,
marque une étape décisive sur la voie qui mène à
la signature d'un traité constitutionnel avant la fin de l'année
2003 et à la fusion du traité sur l'Union européenne
et du traité instituant la Communauté européenne.
Dans ses trois parties consacrées à l'architecture institutionnelle,
aux politiques et aux actions de l'Union, enfin aux dispositions générales
et finales, cet avant-projet pose les fondements d'une Union rénovée
capable d'accueillir les dix pays candidats (Chypre, Estonie, Hongrie,
Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République slovaque, République
tchèque et Slovénie), dont le Conseil européen de
Bruxelles (24-25 octobre 2002) a constaté qu'ils réunissaient
les conditions pour adhérer à l'Union à partir du
début de 2004.
Le Mouvement Européen-France salue ces différentes avancées
qui répondent à ses souhaits. Il souligne cependant :
- que, s'agissant du traité de Nice, les nouveaux modes de
pondération des voix et de calcul de la majorité qualifiée,
qui résultent de la mise en uvre du protocole et de la
déclaration relatifs à l'élargissement, doivent
être interprétés dans un sens qui ne bloque ni les
travaux de la Convention ni le processus d'intégration de l'Union
; il convient aussi de tirer le meilleur parti des nouvelles dispositions
en matière de politique étrangère et de sécurité
commune relatives à la conclusion des accords avec des pays tiers
ou des organismes internationaux, à la gestion des crises et
aux coopérations renforcées ;
- que, s'agissant de la personnalité juridique de l'Union, toutes
les conséquences devront être tirées, au plan juridique,
en prévoyant l'adhésion de l'Union à tous les instruments
juridiques auxquels la Communauté et ses Etats membres ont adhéré
et en étendant les compétences de la Cour de Justice à
l'ensemble des compétences de l'Union, et au plan des procédures
et modes de décision, en reconnaissant la pertinence de la méthode
communautaire partout où elle permet de mieux affirmer l'intérêt
général de l'Union ;
- que, s'agissant de la nature de l'Union rénovée, toutes
les compétences communes ont vocation à être gérées
sur un mode fédéral et toutes les décisions dans
le cadre de ces compétences ont vocation à être
prises à la majorité qualifiée ;
- enfin que dans sa rédaction actuelle, le projet d'article 13,
qui prévoit que " dans certains domaines les Etats membres
définissent et mettent en uvre, dans le cadre de l'Union,
une politique commune selon des modalités spécifiques
", est dangereux, car il ouvre la porte à la remise en cause
de l'acquis communautaire et au délitement de la méthode
communautaire.
II. Les propositions du Mouvement Européen-France
Le Mouvement Européen-France souhaite regrouper ses propositions
autour de quatre thèmes principaux :
A. Les finalités et les
objectifs de l'Union élargie
L'Union européenne se
définit par ses valeurs, par l'adhésion de ses peuples et
par les acquis d'une construction politique, juridique, économique,
sociale et culturelle qui n'a pas d'équivalent dans le monde.
Elle doit se doter d'institutions qui lui permettent de porter et d'enrichir
un modèle d'économie sociale de marché où
se conjuguent la meilleure efficience économique et technologique
possible, une exigence toujours plus forte de cohésion et de justice
sociale, et une plus grande responsabilité dans la protection des
biens publics mondiaux et dans la solidarité vis-à-vis des
pays en développement.
Dans l'ordre interne, les objectifs qui lui sont assignés sont
de créer une Union économique et sociale, condition de la
prospérité et de la démocratie en Europe, et de mettre
en place un espace équilibré de liberté, de sécurité
et de justice qui garantisse le respect des droits énoncés
dans la Charte des droits fondamentaux et défende l'ordre public
européen. Il lui appartient aussi, en liaison avec les Etats
membres, de favoriser la constitution d'un espace public qui soit
garant vis-à-vis du citoyen européen non seulement de la
légitimité démocratique et du bon fonctionnement
des institutions, mais aussi de la transparence et de la bonne compréhension
des politiques et de l'action de l'Union. A cet égard, l'Union
encouragera le développement des partis politiques européens,
développera la méthode de coordination ouverte et consultera
plus largement les réseaux associatifs européens.
Ses décisions et ses
actes juridiques seront fondés sur les principes essentiels que
sont la solidarité, la liberté, la subsidiarité,
la proportionnalité et le respect de l'identité nationale
de chaque Etat membre.
Dans l'ordre externe, l'Union
doit arrêter des positions communes dans toutes les instances de
la gouvernance globale et y parler d'une seule voix. Elle doit assurer
la paix sur le continent européen et doit uvrer partout dans
le monde pour maintenir la paix, défendre les droits de la personne
humaine, promouvoir les valeurs de démocratie et d'Etat de droit
et le modèle de développement économique et social
européen. Au-delà des acquis que sont la politique commerciale
commune, les relations avec les pays ACP, la politique de coopération
au développement et d'aide humanitaire et le réseau très
dense d'accords économiques, d'association et de partenariat, l'objectif
qui doit lui être assigné désormais est de devenir
un acteur international crédible en mettant en uvre une politique
étrangère et de sécurité commune appuyée
sur une capacité de défense crédible.
B. La clarification des
compétences
La clarification des compétences
respectives de l'Union et des Etats membres est centrale dans les débats
de la Convention, non seulement parce que les déclarations de Nice
et de Laeken l'ont expressément demandé, mais aussi parce
que les conflits de compétence se sont multipliés au cours
des dernières années, y compris avec les régions.
Il se dégage ainsi, au sein de la Convention, une orientation forte
pour que les parlements nationaux soient impliqués dans le contrôle
de l'application du principe de subsidiarité.
Pour sa part, le Mouvement Européen-France
considère que la clarification des compétences est nécessaire
mais découle des objectifs prioritaires assignés à
l'Union et du contenu des politiques. Elle ne saurait se réduire
à la seule question du contrôle politique de la subsidiarité.
Sur ces bases, le travail de clarification pourrait s'inspirer des principes
suivants :
- Le contrôle de l'application du principe de subsidiarité
devrait être confié aux trois institutions (Parlement,
Commission, Conseil). Les parlements nationaux qui sont représentés
à la Convention ont vocation à être associés
à ce contrôle, en débattant chaque année
d'un rapport sur les conditions d'application de ce principe, en émettant
des recommandations, voire en disposant d'un pouvoir d'avertissement
strictement encadré.
- Les compétences d'attribution de l'Union, exclusives ou
partagées, devraient être déterminées selon
une approche ratione materiae qui soit cohérente avec les finalités
et les missions qui lui sont assignées. Il ne saurait donc être
question de remettre en cause les compétences exclusives résultant
des traités antérieurs. Cette approche doit aussi
inspirer les mesures en vue de fonder l'Union économique et sociale
et de mettre en place l'espace de liberté, de sécurité
et de justice.
- Les décisions relatives à la politique étrangère
et de sécurité commune et à la politique européenne
de sécurité et de défense ne devraient relever
ni d'une approche exclusivement intergouvernementale ni d'une approche
complètement communautaire, mais d'un mariage harmonieux et pragmatique
des deux méthodes. Sans préjuger des nécessaires
évolutions futures, les dirigeants de l'Union devraient se fixer
l'objectif d'utiliser à chaque fois que cela est possible
la méthode communautaire, y compris pour son financement, et
d'y recourir à chaque fois qu'un intérêt essentiel
de l'Union est en cause.
- La clause évolutive de l'article 308 du TCE devrait
être invoquée aussi bien pour transférer une
nouvelle compétence communautaire d'attribution à l'Union
que pour ramener dans la sphère de compétence nationale
des législations européennes ou des politiques communes
qui, après étude d'impact, n'auraient plus d'utilité
pour la bonne marche de l'Union. Son déclenchement, le cas échéant
selon une procédure d'urgence, requerrait l'accord du Conseil
européen à la majorité qualifiée et du Parlement
européen à la majorité absolue de ses membres.
- Dans les domaines de compétences partagées, une voie
de recours devant la Cour de Justice pourrait être laissée
à l'initiative d'un tiers des parlementaires européens
ou de deux Etats membres (gouvernements ou parlements nationaux) ou
plus représentant 36 voix (selon l'article 3 du protocole annexé
au traité de Nice) préalablement à l'entrée
en vigueur de l'acte législatif communautaire.
- Enfin, il faut prévoir une double procédure de révision
des traités, la première pour les matières proprement
constitutionnelles (énoncées dans la première
partie et les dispositions finales de l'avant-projet de traité
constitutionnel) qui emprunterait la voie des ratifications par les
Etats membres conformément à leurs règles constitutionnelles
respectives (article 48 du TUE révisé pour intégrer
le rôle dévolu à la Convention), la seconde pour
les autres matières (politiques et actions de l'Union, fonctionnement
de l'Union) qui relèverait d'une approbation dans les mêmes
formes par le Parlement européen et le Conseil européen.
C. Le contenu des politiques
de l'Union
La reconnaissance de la personnalité
juridique de l'Union crée les conditions de la fusion du traité
sur l'Union européenne et du traité instituant la Communauté
européenne et amène à revoir l'architecture institutionnelle
de l'Union.
Dans ce contexte, la détermination
du contenu des politiques est un préalable à la définition
des fonctions exécutives au sein de l'Union et à l'examen
de la répartition des compétences entre l'Union et les Etats
membres. Les politiques communes ne doivent pas être démantelées,
mais au contraire renforcées dans le respect du principe de subsidiarité
et dans le cadre du budget communautaire.
1. Les politiques économiques
et sociales
L'acquis communautaire dans
le domaine social est significatif. En effet, l'inclusion dans le traité
CE de l'accord de 1991 sur la politique sociale entre les partenaires
sociaux européens (articles 137 et suivants issus du traité
d'Amsterdam), la " méthode ouverte de coordination "
mise en uvre notamment à travers la stratégie européenne
de l'emploi, enfin plus récemment le dialogue sur les grandes orientations
de politiques économiques de l'Union ont sensiblement renforcé
la participation des acteurs sociaux. Cet acquis doit être consolidé,
ce qui passe par des décisions du Conseil à la majorité
qualifiée.
L'Union européenne doit
être beaucoup plus active en matière sociale, soit par la
voie législative ou réglementaire, soit par la voie conventionnelle
et contractuelle. Le bon fonctionnement du marché intérieur
et la bonne application des règles de concurrence impliquent non
seulement une harmonisation fiscale mais encore le développement
de normes sociales communes.
Le bon fonctionnement de
la zone euro exige de mettre en place une véritable coordination
des politiques économiques, qui permettrait aux partenaires
sociaux européens d'être écoutés, à
la Commission de jouer son rôle de garant de l'intérêt
général et à l'Eurogroupe de n'être plus un
lieu d'échanges de vue mais d'exercer un véritable pouvoir
de décision dans la mise en cohérence des décisions
de politique économique nationales. Cela implique que les décisions
soient prises à la majorité qualifiée, que les pays
participants s'engagent à consulter leurs partenaires avant toute
décision significative de politique économique. Le pacte
de stabilité et de croissance devrait être revu afin de retenir
comme critère principal le plafond de dette publique par rapport
au PIB et d'assurer le financement des investissements publics.
2. L'espace de liberté,
de sécurité et de justice
Dans un premier temps, en partant
de la proposition faite récemment par le président de la
Commission et visant à confier à des vice-présidents
la supervision de plusieurs portefeuilles de commissaire, il conviendrait
d'explorer la possibilité de confier à un commissaire
à statut spécial les affaires intérieures et de justice
avec un mandat ambitieux (élaboration de plans d'action et
de propositions de codification des règles de procédure
civile et pénale soumis au Conseil et au Parlement européen,
droit d'engager des actions en manquement à l'encontre d'un Etat
membre qui faillirait à ses obligations en matière de sécurité
intérieure et de justice).
Outre sa fonction législative qu'il exercerait en codécision
avec le Parlement, le Conseil des ministres JAI se verrait confier la
responsabilité de recenser les pratiques nationales, d'adopter
des lignes directrices inspirées des acquis de la stratégie
européenne pour l'emploi et d'apprécier les progrès
accomplis par les Etats membres dans leur mise en uvre.
Afin de faciliter l'émergence d'un corpus commun de règles
de procédure et d'interprétation du droit européen,
au regard en particulier de la Charte des droits fondamentaux, plusieurs
mesures sont proposées :
- la généralisation de l'utilisation des questions
préjudicielles ;
- l'instauration d'un mécanisme comparable au recours en manquement,
mais beaucoup plus rapide, pour garantir le respect d'un corpus commun
de règles ;
- le caractère exécutoire dans l'ensemble de l'Union
européenne de tout titre obtenu légalement en matière
civile ou pénale dans un Etat membre, par application du
principe de reconnaissance mutuelle ;
- la nomination par le Conseil européen avec l'accord du Parlement
d'un procureur européen placé auprès du
président du Conseil JAI.
Il convient enfin de renforcer l'efficacité de la coopération
des polices nationales dans la conduite des enquêtes transnationales.
Dans ce cadre, Europol pourrait être doté de pouvoirs
d'enquête propres mais devrait être soumis à un contrôle
législatif et juridictionnel.
3. La politique étrangère
et de sécurité commune et la politique euro-péenne
de sécurité et de défense
Face aux enjeux de la mondialisation,
de l'élargissement et de la lutte contre le terrorisme, l'Union
n'a plus le choix. Elle doit se doter des moyens de ses ambitions.
Par tradition, par culture et
par héritage institutionnel, l'Union est beaucoup plus adaptée
à relever le défi de l'élargissement que celui de
la sécurité internationale, parce que la gestion des normes
et de la diversité en temps de paix lui est plus familière
que la gestion des crises et le recours à la force. Ses positions
sur la bonne gouvernance et sur la nécessaire régulation
de la mondialisation restent sur le terrain de la rhétorique. L'Europe
est absente par carence de la traduction externe de son intégration
interne à l'exception du commerce. Elle n'a pas d'efficacité
sur la scène internationale, parce qu'elle n'a pas une seule diplomatie
mais seize diplomaties séparées.
C'est dans ce nouveau contexte
et à la lumière de ces constats qu'il devient impératif
de jeter les fondements d'une stratégie européenne
qui permette à l'Union de devenir un véritable acteur international,
en mettant en uvre une politique étrangère et de sécurité
commune appuyée sur une capacité de défense crédible,
en mettant fin aux initiatives séparées, voire concurrentes,
entre l'Union et les Etats et en assurant une réelle coordination
des acteurs et des multiples instruments qui sont disséminés
entre les différents piliers et servent mal une stratégie
globale.
Pour atteindre cet objectif
ambitieux, trois urgences s'imposent :
- élaborer un concept stratégique dans lequel
soient clairement énoncés d'une part les intérêts
européens dans un monde globalisé, d'autre part la spécificité
et les priorités de l'action extérieure ;
- donner plus de crédibilité à la politique étrangère
et de sécurité commune en relançant le développement
de la politique européenne de sécurité et de défense
et en dotant l'Union d'une véritable capacité de gestion
des crises (extension des missions de Petersberg à la lutte
anti-terroriste);
- doter progressivement l'Union d'une représentation extérieure
unique dans toutes les matières où elle est compétente
au plan interne, dont les premières étapes pourraient
être la représentation unique de l'Union économique
et sociale intégrée dans les institutions économiques,
sociales et financières internationales et l'unification des
relations extérieures en une compétence communautaire
claire et une représentation unique.
D. L'exercice des fonctions
législatives et exécutives
Sur ces questions difficiles et sensibles, le Mouvement Européen-France
exprime son inquiétude vis-à-vis des critiques de plus en
plus vives dont la Commission européenne est l'objet. Il marque
sa méfiance à l'égard des propositions qui visent
à la fois à faire d'un président du Conseil européen,
désigné parmi les anciens chefs d'Etat ou de gouvernement
pour une période de cinq ans, le véritable responsable de
l'action extérieure de l'Union et à réduire le droit
d'initiative de la Commission tant dans la sphère externe que dans
la sphère interne.
Il formule les propositions suivantes :
- La Commission européenne, qui a montré qu'elle
était un formidable catalyseur de confiance et qu'elle s'attachait
à incarner l'intérêt général de l'Union,
a vocation à être l'exécutif européen
dans les domaines de compétence exclusive, tout en en partageant
certains attributs avec les Etats membres en tant que pouvoirs exécutifs
déconcentrés. Plusieurs conséquences doivent en
être tirées. Son président doit être choisi
au sein de la majorité issue des élections européennes.
Sa composition doit conserver l'esprit d'une coalition et d'un collège,
tout en étant structuré, comme le propose le président
Prodi, avec des vice-présidents supervisant plusieurs portefeuilles
de commissaire. Lors de la discussion d'un projet d'acte législatif,
le collège doit pouvoir engager sa responsabilité devant
le Parlement et le Conseil européen et être démis
par eux. Cet engagement de responsabilité est le corollaire
indissociable du droit dévolu au Parlement de renverser la Commission
dans le cadre d'une procédure de motion de censure. En outre,
il y a des domaines où la fonction exécutive de la Commission
doit être soumise à un contrôle politique particulier
du Conseil et du Parlement.
- Le Conseil a vocation à exercer avec le Parlement européen
la fonction législative, tout en en partageant certains attributs
avec les parlements nationaux en tant que pouvoirs législatifs
déconcentrés au nom de la hiérarchie des normes
et du principe de subsidiarité (définition de principes
généraux, d'orientations et d'objectifs à atteindre
au niveau de l'Union ; renvoi de la transposition détaillée
dans l'ordre interne à chaque Etat membre sous le contrôle
de la Commission européenne et de la Cour de Justice, gardiennes
des traités).
- Le Conseil a aussi vocation à exercer avec la Commission
la fonction exécutive pour les matières de compétence
partagée et à coordonner l'action des exécutifs
nationaux dans les conditions définies par le traité pour
les matières où la méthode intergouvernementale
continue à s'appliquer. Les fonctions exécutives et
législatives du Conseil devraient être distinguées
tant dans les ordres du jour et les procédures que dans l'information
du public (s'il s'agit d'un texte législatif, mise en place d'une
procédure de dépôt des amendements, ouverture des
séances au public et comptes rendus des débats publiés
au JO des Communautés).
- Dans le cadre de la décision du Conseil européen de
Séville de ramener à neuf le nombre de formations du conseil,
il est souhaitable de constituer un Conseil des ministres chargés
des affaires extérieures (PESC et relations extérieures)
et des ministres de la défense. Il convient aussi de
donner au Conseil chargé des affaires générales
une triple fonction de coordination des travaux des autres formations
du Conseil et de préparation des Conseils européens sur
les matières communautaires, d'examen de la subsidiarité
avant tout dépôt par la Commission d'une proposition de
règlement ou de directive en liaison avec le Parlement, enfin
de chambre des Etats chargée de voter les textes de nature législative,
le cas échéant après avis des formations sectorielles.
- Avec le grand élargissement, la présidence tournante
de l'Union tous les semestres semble condamnée. Le président
du Conseil européen doit être désigné pour
une durée unique suffisamment longue, par exemple la moitié
d'une législature du Parlement européen, et doit jouer
un rôle de coordination des travaux. Les formations sectorielles
ainsi que le Conseil ECOFIN et l'Eurogroupe pourraient désigner
leur président en leur sein. Les présidents du Conseil
chargé des affaires générales et du Conseil des
ministres chargés des affaires extérieures (PESC et relations
extérieures) et des ministres de la défense pourraient
être désignés par le Conseil européen en
même temps que celui-ci élirait son président.
- La question de la fusion des fonctions de M. PESC et du commissaire
aux relations extérieures est encore plus délicate
à trancher, car elle conduit à modifier l'équilibre
des pouvoirs soit dans un sens encore plus intergouvernemental, soit
dans un sens communautaire. A ce stade, le Mouvement préconise
que les deux fonctions et les services compétents du Conseil
et de la Commission soient fusionnés. Le commissaire en charge
de la PESC et des relations extérieures aurait un statut individuel
spécial avec un monopole d'initiative qui lui serait associé
dans tous les domaines d'intervention où la méthode communautaire
pourrait s'appliquer. Il serait vice-président de la Commission,
nommé par le Conseil en accord avec le Parlement européen,
et serait individuellement responsable devant le Conseil.
- Les décisions relevant des compétences exclusives
de l'Union doivent être prises à la majorité qualifiée.
La procédure de codécision doit devenir la règle
pour l'adoption des actes législatifs. Le Parlement européen
doit recevoir le pouvoir de lever un ou des impôts communautaires
(écotaxe, accises, impôt sur les sociétés,
),
le financement par l'impôt se substituant progressivement au
système des ressources propres.
- Pour tenter de combler le déficit démocratique, il faut
rendre compréhensible pour le citoyen européen le fonctionnement
des institutions européennes et le processus de décision.
Cela passe par la réforme du mode de scrutin aux élections
européennes, comme le Mouvement Européen-France l'a
proposé en 1998, avec l'introduction d'un contingent de 10%
d'élus sur des listes transnationales, et par un allègement
des ordres du jour du Parlement afin de permettre aux députés
de consacrer plus de temps dans leur pays respectif aux contacts avec
les citoyens. Cela exige aussi un effort de la part des commissaires
dans la présentation de leurs propositions à la presse,
au Parlement ou au Conseil. Cela nécessite enfin de la part des
gouvernements le courage politique d'assumer les résultats des
compromis quand ils ont été défavorables.
E. La ratification du traité
constitutionnel
La conclusion d'un traité constitutionnel est un acte refondateur
de la construction européenne. C'est pour cette raison qu'il doit
être soumis à ratification par la voie d'un référendum
organisé le même jour dans tous les Etats membres de l'Union.
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