Le citoyen au cur de la refondation
de l'espace judiciaire européen
Plus encore que les autres domaines de l'action communautaire, tout ce qui touche à la sécurité et à la justice est tributaire de l'attente inquiète de nos concitoyens, d'une certaine paralysie de nos politiques et d'un suivi corporatiste des divers et nombreux professionnels du domaine (avocats, juges, policiers, presse). L'extrême sensibilité inhérente à ces matières conduit à identifier certaines contraintes spécifiques dont il faudra tenir compte lors de l'examen des propositions d'action :
L'analyse de la situation actuelle montre que l'espace de liberté, de sécurité et de justice recèle une fonction d'intégration juridique et politique irremplaçable en cette époque où l'intégration économique est parvenue à son terme institutionnel (même si des efforts restent à faire en termes fiscal, social et budgétaire). Cette analyse montre également
que le débat sur la communautarisation peut être relativisé
bien qu'il s'agisse d'une condition nécessaire . Cette relativisation
s'explique par le fait que les blocages ont été, durant
ces dernières années, essentiellement le fait des différents
Etats membres, chacun, à tour de rôle, évoquant des
raisons apparemment justifiées pour ne rien faire. Or, la situation
est à l'heure actuelle pré-explosive dans la quasi totalité
des Etats européens comme en témoignent les élections
depuis deux ans dans chacun de nos pays. D'autant que ces dernières années, on a observé que l'antagonisme des Piliers est d'ores et déjà atténué et qu'une certaine transversalité s'est déjà affirmée. C'est dans cette optique qu'il y a lieu de faire porter les efforts. Il convient donc de mettre en place un cadre institutionnel unique harmonisant le rôle exécutif des Etats membres vis-à-vis de la Communauté et de l'Union. Dès lors, la division en piliers devrait être estompée. Il faudra revaloriser la Commission dans son rôle d'évaluation, de suivi et d'initiative, et renforcer le contrôle des organes politiques que sont le Parlement européen et le Conseil. Une telle revalorisation oblige à envisager une réforme du système juridique et juridictionnel et à encadrer plus strictement le jeu des coopérations différenciées, ceci tant en ce qui concerne le plan pénal que le plan civil, d'autant que l'élargissement dans ce domaine va encore amplifier les enjeux et les craintes liés aux flux migratoires et à l'apparition sur le territoire de l'Union de diverses mafias (albanaise, russe, etc.). Nos propositions s'inscrivent donc sous la double exigence de la lisibilité de l'action et de la nécessaire mobilisation des structures nationales existantes pour la mise en uvre d'une politique judiciaire européenne. Accroître les possibilités de travail en commun et de coordination des forces de police. L'objectif doit être de faire travailler ensemble les différentes polices européennes, jusque et y compris dans des structures communes. Dés lors que les missions concernées relèvent de la Police administrative ou de la gestion pure, c'est envisageable. Sont à comprendre dans cette acception les missions de surveillance générale (prévention, police de proximité, dissuasion etc..), les missions de maintien ou de rétablissement de l'ordre public (à l'occasion d'événements sportifs, ludiques, culturels, commémoratifs, politiques etc..), les missions de surveillance de frontière (la création d'une police des frontières européennes est une illustration pertinente), les missions de renseignement (sur le milieu fermé, les sectes, les mafias, la criminalité organisée, le terrorisme etc..) et les missions de formation (la création récente du collège européen de police en est une illustration). La coordination des actions menées à l'occasion de ces missions peut être déléguée au niveau de l'Europe. Il n'y a pas de véritables obstacles générés par le droit interne des Etats puisque ces missions relèvent de la compétence du pouvoir exécutif. En revanche la mission de police judiciaire pose plus de difficultés car les obstacles de droit sont nombreux et plus difficiles à résoudre. La prudence devrait conduire à retenir dans un premier temps le principe de l'obligation pour un pays de déférer à la demande d'un autre, sans que le droit interne du premier saisi puisse faire échec à l'exécution de ladite demande. De la même manière les règles de coopération entre polices criminelles des différents pays pourraient être assouplies afin que les actes ne mettant pas en uvre la coercition puissent être exécutés de manière simple (c'est à dire par le service à l'origine des diligences) sur l'ensemble du territoire européen. Cependant, le Mouvement Européen devrait suggérer que pour assure le respect de ce principe de la confiance légitime entre les Etats membres, la Commission dispose de moyens suffisants pour forcer les Etats récalcitrants à respecter ces principes et ce au moyen de procédures politiques et judiciaires accélérées.
Il est également nécessaire de mettre en place un super Commissaire à la Justice et aux Affaires Intérieures pour les mêmes raisons de lisibilité et d'impulsion de ces actions essentielles pour l'avenir de l'Europe. Ce commissaire assumerait directement divers rôles : - en ce qui concerne la direction et l'harmonisation des activités de police, c'est lui qui aurait directement sous ses ordres Europol, l'Office de Lutte Anti Fraude, de même que demain la police communautaire aux frontières. Par ailleurs, il lui appartiendrait de proposer des plans d'actions sous forme de programmes annuels et d'effectuer des comptes-rendus de son action. Pour l'ensemble de cette mission ambitieuse, il serait soumis à un contrôle politique du Parlement et du Conseil Européens. - ce Commissaire devrait se voir confier également un mandat ambitieux consistant à déterminer les cas à codifier en matière de répression pénale, à préparer soit un protocole, soit une espèce de code de procédure pénale ainsi qu'un code de procédure civile. Il devrait en outre procéder à la clarification des strates existantes (Interpol, Schengen, Europol, etc.) Enfin, il aurait la mission d'engager les poursuites contre tout Etat qui ne remplirait pas ses obligations en matière de respect des contraintes communautaires en matière de sécurité et de justice, en ce y compris le principe de la confiance mutuelle et il devrait présenter un plan de charge en matière d'Espace de Sécurité et de Justice et de Liberté ainsi qu'un bilan des actions menées devant le Conseil européen. En matière d'investigations judiciaires, ce Commissaire aurait un rôle de tutelle sur le Procureur Européen - qui devrait se confier la coordination des enquêtes reconnues d'intérêt commun dans le cadre d'Eurojust, - qui serait responsable de la détermination et de la conduite d'une politique pénale commune, - et qui l'exercerait devant la chambre pénale ainsi que devant la chambre civile du Tribunal de Première Instance, et/ou devant la Cour de Justice pour toutes les affaires de cassation. Mise en place d'un Conseil des ministres " Justice Affaires Intérieures " mettant en jeu un mécanisme institutionnel proche de celui existant en matière d'emploi : identification des pratiques nationales, adoption de lignes directrices, benchmarking, etc.
Il convient de mobiliser les acteurs nationaux (notamment les juges) pour faciliter l'émergence d'un corpus de règles en la matière par le biais de l'utilisation de deux types de procédures juridictionnelles, bien maîtrisées et connues des praticiens :
Les deux procédures (manquement
et préjudicielle) permettront de lire et d'interpréter "
la Charte des Droits Fondamentaux" notamment après sa prévisible
constitutionnalisation, la Cour de Justice des Communautés Européennes
puisant dans la très vaste jurisprudence de la CEDH pour rendre
ses premières décisions. Il convient pour dynamiser l'établissement de ces règles de créer au sein du Tribunal de Première Instance une chambre spécialisée en matière de procédure pénale et d'infractions communes. Sans jouer le rôle d'une juridiction fédérale (non souhaitée par le groupe de réflexion), elle aura pour effet de faciliter et d'accélérer l'émergence et la consolidation d'un droit commun en ces matières. Elle permettra également de régler rapidement les problèmes d'interopérabilité et notamment les conflits de compétences de juridictions et/ou du juge ou d'opposition à des exécutions de décisions judiciaires pénales nationales. De même, il faudrait envisager la création d'une chambre civile, toujours au sein du Tribunal de Première Instance jouant un rôle équivalent pour les conflits liés essentiellement au droit de la famille (garde d'enfant). En effet Eurojust n'a pas la compétence pour trancher juridictionnellement de telles difficultés, mais peut aider par la circulation de l'information à mieux gérer des affaires transnationales. L'Union Européenne, disposant dès lors d'un début de droit pénal européen, se pose la question de son adhésion en tant que telle à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme. Ceci pourrait permettre d'éviter le conflit de compétence entre la Cour de Justice des Communautés Européennes et la Cour Européenne des Droits de l'Homme, la première étant seule compétente pour l'harmonisation des droits et de la procédure entre les Etats membres, mais acceptant la juridiction de la seconde pour ce qui concerne les décisions judiciaires prises en application de cette harmonisation. Cette question est très controversée au sein du Groupe de Travail ;
Il conviendrait d'affirmer dès maintenant le principe de la reconnaissance mutuelle des jugements et des actes de procédure, en vertu duquel tout titre obtenu légalement (en matière pénale ou civile) dans un Etat membre doit être exécutoire directement dans l'ensemble du territoire de l'Union. Plutôt que de tenter la constitution d'un droit civil européen, ce qui nécessiterait de nombreuses et longues négociations, ne faudrait-il pas dans des domaines à la fois ciblés et limités (dissolution du lien matrimonial, filiation, succession), prévoir la possibilité pour chaque européen de choisir en alternative aux solutions nationales qui demeureraient, une solution décidée dans le cadre européen, (notamment pour les citoyens transfrontaliers intracommunautaires ou dans le cas de mariage mixte) ?
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