Les Français seront appelés, au second semestre 2005,
à se prononcer par référendum sur le projet
de traité établissant une Constitution pour l'Europe
qui a été approuvé par les chefs d'Etat ou
de gouvernement le 18 juin 2004 à Bruxelles et qui sera signé
le 29 octobre prochain.
C'est une échéance encore lointaine mais incertaine,
car l'opinion publique qui aspire à plus d'Europe peut se
retourner pour des raisons qui peuvent n'avoir qu'un rapport éloigné
avec la question posée, au demeurant très simple :
êtes-vous pour ou contre la ratification du traité
établissant une Constitution pour l'Europe ?
Devant la coalition contre nature qui se forme entre des souverainistes
patentés, des fédéralistes déçus
des lacunes du traité sur le plan social ou nostalgiques
d'une Europe à six ou à douze et des opposants à
l'adhésion de la Turquie, il y a des risques non nuls que
le non l'emporte, ce qui ruinerait plus de trois ans d'efforts en
vue de rendre plus efficaces et plus démocratiques les institutions
de l'Union européenne élargie. Il en résulterait
une crise dont on a du mal à percevoir les conséquences
politiques, économiques et sociales, mais qui pourrait isoler
la France sans stratégie de rechange et paralyser le processus
d'intégration européenne pour de longues années.
Dans ce contexte, le Mouvement Européen-France doit se
mobiliser résolument en faveur du oui pendant toute cette
phase de débat citoyen qui s'ouvre et qui s'achèvera
à la fin du printemps prochain pour céder la place
au temps de la campagne politique. Il doit le faire d'abord
parce qu'il a la conviction que c'est un bon traité pour
l'Europe et pour la France. Il doit le faire au nom des positions
qu'il a exprimées à chacune des étapes du processus
d'élaboration de la Constitution comme au lendemain du Conseil
européen lors de son comité directeur du 30 juin dernier.
Il doit le faire aussi au nom des valeurs et des propositions que
les membres de son bureau national qui participaient aux travaux
de la Convention ont portées. Il doit le faire enfin au nom
du caractère transpartisan qui est sa raison d'être
mais dont il ne méconnaît pas la fragilité.
Dès lors, nos premiers efforts de conviction doivent se porter
vers ceux de nos militants qui s'interrogent, hésitent ou
sont tentés par une crise prétendument salutaire,
puis bien vite au-delà vers des cercles de plus en plus larges.
Il est donc temps pour nous, militants européens,
de convaincre de la justesse du oui.
1. Le cadre dans lequel s'inscrit
la réponse des Français
La négociation est terminée et il n'est plus temps
de poser des conditions. Le texte de la Constitution est à
prendre ou à laisser.
La réponse des Français porte en elle des conséquences
lourdes sur la place de la France en Europe et dans le monde. Si
elle est négative, elle sera interprétée à
tort ou à raison comme l'expression d'un refus de l'élargissement,
d'un repli sur soi et d'une peur de l'avenir. Si au contraire elle
est positive, alors la France retrouvera sa voix et son autorité
pour promouvoir une Europe politique, économique et sociale
dans laquelle les objectifs de l'Union ne se résumeront pas
au simple jeu du libre échange et à la seule logique
du marché intérieur, pour défendre les politiques
communes et pour pousser les feux des coopérations renforcées.
Regardons autour de nous. Partout dans les vingt-cinq Etats membres,
le oui paraît naturel aux forces de la société
civile comme l'illustre avec éclat la position de la Confédération
européenne des syndicats qui porte un jugement lucide sur
les avancées du texte sans en nier les insuffisances et qui
parie sur la force d'entraînement des institutions européennes
pour faire avancer les objectifs sociaux énoncés dans
la Constitution.
Notre choix doit être dicté par la fidélité
à notre héritage européen qui remonte au congrès
de La Haye en 1948. Nous avons été de tous les
combats en faveur de l'Europe fédérale, de la CECA
à la CED, du traité de Rome à l'Acte unique,
du traité de Maastricht à celui d'Amsterdam, de la
prise en compte des trois reliquats d'Amsterdam au formidable résultat
de la Convention sans omettre l'adoption de la charte des droits
fondamentaux. Nous sommes conscients que l'échec de la CED
a ruiné pendant cinquante ans les espoirs d'une Europe de
la défense. Prenons garde qu'il n'en soit de même avec
ce projet de traité établissant une constitution pour
l'Europe négocié et conclu par vingt-cinq Etats membres.
La France va devoir modifier sa Constitution pour prendre en compte
les nouveaux transferts de compétences et de pouvoirs de
décision liés au passage de nombreux domaines à
la majorité qualifiée. Quelle crédibilité
donner alors aux arguments de ceux qui se prononcent en faveur du
non, parce que le traité ne représenterait qu'une
avancée timide par rapport au traité de Nice ? Même
s'il est plus difficile de négocier à vingt-cinq et
à partir de 2007 à vingt-sept, comment prétendre
que le traité constitutionnel soit gravé dans le marbre
pour trente ans, alors même qu'on a connu depuis dix ans une
succession de modifications institutionnelles tout en continuant
à s'élargir ?
Notre choix doit être ancré dans la lucidité
sur la situation internationale et dans la réalité
de l'Europe réunifiée. Face aux graves incertitudes
pour la paix dans la région que la nouvelle stratégie
américaine de la guerre préventive est en train d'engendrer
au Moyen-Orient, nous avons impérieusement besoin d'un espace
de paix et de solidarité en Europe près de quinze
ans après la chute du mur de Berlin. Nous n'avons aucun
droit de nier les sacrifices que les nouveaux Etats membres ont
consentis pour entrer dans l'Union. Nous n'avons aucune raison
de mettre en doute l'attachement des nouveaux Etats membres au projet
et au modèle social européen, comme si l'aspiration
légitime de l'ouvrier des chantiers navals de Gdansk, de
l'employée de banque hongroise, de l'enseignante tchèque
ou de l'éleveur balte ou slovène n'était pas
de chercher à augmenter rapidement son pouvoir d'achat, son
espérance de vie ou son éducation.
Notre choix doit être motivé par le besoin urgent
de concrétiser les avancées en matière de politique
européenne de sécurité et de défense
qui trouvent leur origine dans le sommet franco-britannique de Saint-Malo
en 1998.
Enfin notre choix ne saurait être influencé par
la difficile question de l'ouverture de négociations d'adhésion
avec la Turquie, même si le rendez-vous de la fin 2004
fixé au Conseil européen de Copenhague en 2002 est
malencontreux. Notre position demeure celle du respect de tous
les critères de Copenhague comme préalable à
l'ouverture de négociations. Ces critères sont,
il faut le rappeler, au nombre de quatre :
- des institutions stables garantissant la démocratie,
l'Etat de droit, les droits de l'homme, le respect des minorités
et leur protection " ;
-" une économie de marché viable ainsi que
la capacité de faire face à la pression concurrentielle
et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union
" ;
-" la capacité d'assumer les obligations de l'adhésion,
notamment de souscrire aux objectifs de l'Union économique
et monétaire. " ;
Le dernier critère qui n'est pas le moins important prévoit
que " la capacité de l'Union à assimiler de
nouveaux membres tout en maintenant l'élan de l'intégration
constitue également un élément important répondant
à l'intérêt général aussi bien
de l'Union que des pays candidats ".
Des progrès incontestables ont été enregistrés.
Mais la pression de l'Union européenne ne doit pas se relâcher
comme on vient de le voir avec la réforme en cours du code
pénal. La ratification du traité constitutionnel et
la valeur constitutionnelle qu'il confère à la Charte
des droits fondamentaux et au respect du droit des personnes appartenant
à des minorités (article I-2) garantissent que cette
pression se maintienne.
2. La Constitution, première
étape de l'Europe politique
Pour nous qui appelons à voter oui sans arrière-pensée,
la Constitution est l'acte fondateur d'une Europe politique qui
peut et doit aller beaucoup plus loin. De nombreuses dispositions
de la Constitution en attestent.
Ainsi le Parlement européen est doté de pouvoirs
budgétaires et législatifs accrus. Il acquiert
les mêmes pouvoirs que le Conseil en matière budgétaire,
l'article III-404 supprimant la distinction entre dépenses
obligatoires et dépenses non obligatoires, et dans une quarantaine
de nouveaux domaines où la codécision va s'appliquer
(article I-34 et partie III).
Le Président de la Commission européenne sera
élu par le Parlement européen à la majorité
simple. Le texte précise que c'est sur la base du résultat
des élections européennes que le Conseil européen
proposera un candidat (article I-27).
La démocratie participative se trouve renforcée
grâce à la clarification des actes juridiques de l'Union
(articles I-33 à I-39), à l'obligation faite aux institutions
de l'Union d'entretenir un dialogue ouvert avec les associations
représentatives et la société civile (article
I-47-2), au droit d'initiative citoyenne (article I-47-4) et à
la reconnaissance constitutionnelle du rôle des partenaires
sociaux, du caractère autonome des accords-cadres européens
et de la contribution au dialogue et social du sommet tripartite
pour la croissance et l'emploi (article I-48). Le rôle de
la Convention est consacré dans la procédure de révision
de la Constitution (article IV-443).
Pour la première fois depuis la signature du traité
de Rome, le nouveau traité énumère clairement
(articles I-11 à I-17) les domaines où les Etats membres
ont transféré des pouvoirs d'action à l'Union
et introduit une classification des compétences de l'Union,
exclusives, partagées ou d'appui, qui montre que la souveraineté
primaire reste dans les mains des peuples et de leurs représentants.
Le principe de subsidiarité est encadré sans pour
autant donner un pouvoir de blocage aux Parlements nationaux (article
I-11-4 et protocole n°2).
La primauté du droit européen est reconnue (article
I-5 et déclaration n°1) et les Etats membres ont
l'obligation d'établir les voies de recours nécessaires
à une protection effective dans les domaines couverts par
le droit de l'Union (article I-29). On peut compter sur la Cour
de justice, institution d'essence fédérale qui devient
Cour de justice de l'Union européenne, pour en tirer toutes
les conséquences.
L'organisation des travaux du Conseil, qui s'appelle désormais
Conseil des ministres, gagne en cohérence et en efficacité.
Le ministre des affaires étrangères préside
le Conseil des affaires étrangères et les conditions
de rotation de la présidence des autres formation du Conseil
est renvoyée à une décision du Conseil européen
statuant à la majorité qualifiée (article I-24).
La définition de la majorité qualifiée
(article I-25) est substantiellement améliorée par
rapport au traité de Nice. Là où il fallait
réunir trois conditions (une majorité d'Etats membres
ou les deux tiers si le Conseil ne se prononce pas sur proposition
de la Commission, 72,3 % des voix qui devenaient 73,91 % après
l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, enfin 62 % de
la population de l'Union), il n'y aura plus que deux critères,
55 % des Etats membres (72 % si le Conseil ne se prononce pas sur
proposition de la Commission) représentant au moins 65 %
de la population de l'Union.. Une déclaration jointe au traité
vise à organiser une transition sans heurts à la nouvelle
définition de la majorité qualifiée.
L'Europe politique, c'est aussi la capacité de l'Union
à faire entendre et respecter sa voix sur la scène
internationale. Le traité constitutionnel reconnaît
la personnalité juridique de l'Union (article I-7), prévoit
une présidence stable du Conseil européen (article
I-22) et un renforcement des moyens diplomatiques et militaires.
Il est créé un poste de ministre des affaires étrangères
de l'Union (article I-28). Celui-ci présidera le Conseil
des affaires étrangères de l'Union, aura un droit
d'initiative, s'appuiera sur un service européen pour l'action
extérieure qui réunira diplomates européens
et nationaux et dont la cohérence et l'efficacité
se trouveront accrues. Il est aussi créé un embryon
d'armée européenne et une agence européenne
de la défense et de l'armement est instituée. (article
I-41-3). Une coopération structurée permanente est
autorisée sans qu'il soit requis comme pour les autres coopérations
renforcées un seuil d'Etats participants (article I-41-6).
Une clause de solidarité dans le cas où un Etat membre
serait victime d'une attaque terroriste ou d'une catastrophe naturelle
ou humaine (article I-43) concourt à asseoir la crédibilité
de cette Europe politique.
L'Europe politique avance encore grâce à la reconnaissance
de l'Eurogroupe qui se dote d'une présidence stable (article
III-195 et protocole n°12), mais aussi grâce à
la possibilité enfin accordée aux Etats participant
à l'euro de délibérer et de voter entre eux
en matière de coordination des politiques économiques
et de déficit public excessif parce qu'ils ont des intérêts
communs distincts de ceux des autres Etats membres de l'Union (article
III-194). C'est un pas de plus vers le gouvernement économique
capable de faire contrepoids à la Banque centrale européenne.
Mais beaucoup de choses restent à faire pour remettre la
zone euro sur un chemin de croissance durable et riche en emplois.
C'est une raison supplémentaire pour ne pas revenir au traité
de Nice mais partir des acquis du texte du traité constitutionnel.
L'Europe politique avance enfin avec les dispositions particulières
relatives à l'Espace de liberté, de sécurité
et de justice (I-42) qui relèvent désormais de la
méthode communautaire pour leurs aspects normatifs sous réserve
de certaines restrictions et de la méthode intergouvernementale
pour la coopération opérationnelle. Comme le Mouvement
européen-France l'avait souhaité, la Constitution
consacre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions
judiciaires et extra-judiciaires, les pouvoirs d'Eurojust sont renforcés
puisque celui-ci pourra notamment déclencher les enquêtes
pénales de sa propre initiative et coordonner les enquêtes
et poursuites conduites par les Etats membres (article III-273).
De même, une loi européenne pourra instituer un
Parquet européen à partir d'Eurojust, mais celui-ci
ne sera compétent que pour combattre les infractions portant
atteinte aux intérêts financiers de l'Union (article
III-274).
3. La Constitution affirme la
vocation sociale de l'Union européenne
La Charte des droits fondamentaux qui a été
négociée avec la participation active de membres des
instances du Mouvement Européen-France et qui n'avait depuis
sa signature qu'une valeur symbolique constitue la deuxième
partie du texte. Elle consolide des droits sociaux très étendus
comme le droit de négociation et d'actions collectives, y
compris le droit de grève, la protection en cas de licenciement
injustifié, le droit à la limitation du temps de travail,
le droit d'accès aux services sociaux, le droit à
une aide sociale et à une aide au logement et l'accès
aux services publics.
La référence aux explications rédigées
lors de l'élaboration de la Charte qui a été
introduite à la demande du Royaume-Uni dans le préambule
de la partie II, dans les dispositions générales (article
II-111-7) et dans la déclaration n°12 ne leur confère
pas de valeur juridique et n'affecte en rien les avancées
pour les libertés individuelles et collectives que représentent
l'adhésion de l'Union à la Convention européenne
des droits de l'homme et la valeur constitutionnelle de la Charte.
Tous ces droits acquièrent une force contraignante qui s'imposera
au juge communautaire comme aux juridictions nationales.
La réaffirmation que la concurrence sur ce marché
est libre et non faussée ne fait strictement que reprendre
l'acquis communautaire et nous protège face aux tentations
de certains d'aller vers une simple zone de libre échange
où des pratiques de dumping social et fiscal pourraient se
donner libre cours.
Les objectifs sociaux sont reconnus (article I-3). La justice
sociale, le progrès social, le plein emploi, le développement
durable, le combat contre l'exclusion sociale et les discriminations,
la solidarité entre les générations et la protection
des droits de l'enfant, l'égalité entre les femmes
et les hommes deviennent des objectifs de l'Union. Ils ont le
même statut et la même portée que celui du marché
intérieur.
Toutes les politiques et actions de l'Union devront prendre
en compte ces objectifs sociaux. C'est ce qu'on appelle la clause
sociale transversale (article III-117) La Cour de justice, sur saisine
d'un Etat membre, pourra déclarer contraire à la Constitution
toute décision de l'Union qui contreviendrait à l'un
de ces objectifs.
La Constitution prévoit, s'agissant des travailleurs migrants,
une clause d'appel au Conseil européen (article III-136)
pour tout Etat membre qui estimerait qu'un projet de loi ou de loi-cadre
serait de nature à porter atteinte à l'un des aspects
fondamentaux de son système de sécurité sociale,
ce qui aura pour effet de suspendre la procédure législative
ordinaire.
Enfin, la Constitution affirme le rôle fondamental de
services publics et ouvre la voie à l'adoption d'une loi
européenne fixant leurs missions et leur mode de financement
(article III-122).
4. La Constitution comporte des insuffisances
mais aucun recul
Comme tout texte de traité négocié, le projet
qui nous est soumis comporte des insuffisances importantes. C'est
vrai de l'harmonisation fiscale et sociale, qui, faute de donner
lieu à des décisions à la majorité qualifiée,
risque d'être paralysée. Mais est-on sûr que
dans les rapports de force actuels en Europe l'unanimité
ne nous protège pas mieux face aux tentations du moins-disant
fiscal ? C'est vrai aussi de la procédure de révision
du traité. Mais la conférence intergouvernementale
n'a rien changé à ce qui est sorti de la Convention
sur ces deux questions essentielles. C'est vrai enfin de la procédure
d'adoption des perspectives financières que la Conférence
intergouvernementale a ramenée à l'unanimité,
mais la France est un contributeur net qui cherche à préserver
le financement de la politique agricole commune. La vraie avancée
aurait été la levée de l'impôt par le
Parlement européen, audace que la Convention n'a malheureusement
pas eue.
Sans doute le processus de révision ordinaire de la Constitution
(article IV-443) est-il lourd à vingt-cinq et requiert-il
l'unanimité, ce qui en démocratie n'a rien d'anormal
quand il s'agit de la loi fondamentale, mais il confère un
droit d'initiative au Parlement européen et institutionnalise
la convocation d'une Convention sur décision du Conseil européen
à la majorité simple. La révision des politiques
communes et des actions internes peut relever de deux procédures
de révision simplifiée. La première permet
de faire passer dans le champ de la majorité qualifiée
un domaine ou une décision de la partie III relative aux
politiques et au fonctionnement de l'Union sauf dans les matières
liées à la défense, c'est la clause passerelle
(article IV-444). La seconde permet de modifier tout ou partie des
dispositions relatives aux politiques et aux actions internes, c'est
la procédure de l'article IV-445. Dans les deux cas il faut
une décision à l'unanimité du Conseil européen,
mais dans le premier cas les parlements nationaux peuvent exercer
un droit de veto alors que dans le second la décision n'entre
en vigueur qu'après approbation par les Etats membres conformément
à leurs règles constitutionnelles respectives. Enfin,
il ne faut pas oublier la clause de flexibilité (article
I-18) qui reprend un mécanisme antérieur de décision
à l'unanimité (article 308 du TCE) en l'étendant,
puisque son utilisation n'est plus limitée au fonctionnement
du marché commun.
Quant aux coopérations renforcées (articles I-44
et III-416 à 423), elles sont assouplies moins dans les
conditions de leur déclenchement (autorisation par la Commission,
le Parlement européen et le Conseil statuant à la
majorité qualifiée) que dans leur fonctionnement (application
des nouvelles règles de majorité qualifiée,
y compris dans le domaine de la défense) et dans leur champ,
puisque le dispositif de droit commun concerne tous les domaines
visés par la Constitution sauf ceux où il existe une
compétence exclusive.
Si la France ne ratifiait pas le traité constitutionnel,
elle prendrait la responsabilité de vivre avec le traité
de Nice dont il faut rappeler que la durée est illimitée
comme tous les traités précédents et qui est
en retrait sur de nombreux points essentiels comme les coopérations
renforcées ou les procédures de vote. Tous les
acquis de la première négociation à vingt-cinq
seraient ruinés et les adversaires d'une Europe fédérale
en seraient les premiers bénéficiaires.
La Constitution ne comporte aucun recul par rapport aux traités
précédents. Elle préserve pleinement la
dimension laïque de l'Union, protège la diversité
culturelle en l'insérant dans les objectifs de l'Union et
en reconnaissant la spécificité des biens culturels
dans les négociations commerciales multilatérales.
Elle reprend les mêmes dispositions que le traité de
Maastricht sur l'Union économique et monétaire comme
sur la politique de concurrence, la politique agricole commune,
les politiques de cohésion et le marché unique.
5. La ratification du traité constitutionnel
est la condition de nouvelles avancées sur la voie d'une
Europe fédérale
La " stratégie européenne de sécurité
", qui a été approuvée par le Conseil
européen de Bruxelles le 12 décembre 2003 et qui affirme
clairement le choix d'un multilatéralisme effectif incarné
par une Organisation des Nations Unies dotée " des moyens
nécessaires pour pouvoir assumer ses responsabilités
", ne pourra être mise en uvre que si l'Union n'entre
pas en crise institutionnelle. Avec la ratification du traité
constitutionnel, l'Union européenne trouvera au contraire
une force nouvelle de rayonnement, de proposition et d'initiative
dans la régulation de la mondialisation face au modèle
impérial américain. Elle acquerra les moyens de devenir
un acteur central du renforcement du système multilatéral.
Avec le traité constitutionnel, de nouvelles avancées
sur la voie d'une Europe politique et sociale seront possibles grâce
à l'exercice du droit d'initiative populaire et à
l'institutionnalisation de la méthode de révision
des traités par la convocation d'une convention. Nous militants
du Mouvement Européen international présents dans
tous les Etats membres, emparons-nous de l'impôt européen
comme premier thème de ce nouveau droit d'initiative et préparons
une prochaine étape d'intégration qui pourrait être
concomitante à l'entrée de la Bulgarie et de la Roumanie
dans l'Union.
L'inquiétude grandissante sur les délocalisations
ne permet pas la passivité de l'Union face aux ambitions
des grands pays émergents à bas coût de main
d'uvre qualifiée (Chine, Inde, Brésil). Faisons
pression pour que le Parlement européen passe en revue toutes
les voies pour combattre la chasse des investisseurs aux subventions
et au moins-disant fiscal.
La gouvernance économique de la zone euro doit être
renforcée pour être à même de peser positivement
sur les décisions de politique monétaire de la BCE.
Les nouvelles dispositions du traité constitutionnel nous
placent en meilleure position pour y parvenir.
La négociation d'un traité social et la protection
des services publics comme instrument central de cohésion
sociale et territoriale seront plus faciles en prenant pour point
de départ les dispositions du traité constitutionnel,
en particulier les articles III-117 (clause sociale), III-119 (clause
de développement durable) et III-122 (clause sur les services
publics) qu'en revenant au traité de Nice.
Enfin, tout montre que les coopérations renforcées
seront plus simples à déployer dans le cadre du traité
constitutionnel que dans celui du traité de Nice.
La ratification du traité constitutionnel crée
les conditions d'une dynamique nouvelle des politiques communes
au sein de l'Union élargie. Son rejet ouvrirait la voie à
un affaiblissement des politiques communes.
Le Mouvement Européen-France
appelle ses sections et associations nationales membres à
éclairer nos concitoyens sur les enjeux du référendum
et à les convaincre qu'ils doivent se prononcer non pas en
fonction de considérations de politique intérieure
mais en croyant en leur avenir européen.