La Constitution europ�enne
En introduction,
Patrick Lefas a pr�sent� le texte
" la constitution, oui, bien s�r sans h�siter " approuv� par le Bureau national du Mouvement qui expose les motivations du soutien du MEF au trait� constitutionnel pour l'Union europ�enne et comment� les diapositives diffus�es par ailleurs.
Il s'agit bien d'un trait� �tablissant une constitution pour l'Europe. Il a vocation � se substituer � l'ensemble des trait�s existants, y compris les trait�s d'adh�sion. C'est donc un d�but de codification. et ce trait� est aussi une constitution, en ce qu'il affirme des valeurs et des objectifs communs, �tablit une claire r�partition des comp�tences, ce qui est un des acquis les plus consid�rables de la convention. Les conditions d'exercice de ces comp�tences sont clairement d�finies et le r�le des institutions �galement. Ce trait� est l'acte fondateur de l'Europe politique, mais la souverainet� primaire �mane toujours des peuples et de leurs repr�sentants. C'est donc un �tre juridique hybride, � la fois, trait� et constitution.
La structure du trait� est connue : la premi�re partie est constitutionnelle, la deuxi�me partie est constitu�e de la charte, la troisi�me concerne les politiques et les actions internes, la quatri�me est relative aux dispositions g�n�rales et finales. A cela s'ajoutent 36 protocoles dont beaucoup sont des reprises des protocoles ant�rieurs et 48 d�clarations �manant soit du Conseil europ�en, soit d'Etats membres. L� encore la pratique des d�clarations n'est pas nouvelle.
Le texte de la convention a �t� adopt� par consensus, et la CIG n'a pas d�natur� le texte, mais a cherch� � r�gler les conflits qui avaient pu surgir. Il y a des am�liorations tr�s substantielles comme le fonctionnement de l'Eurogroupe ou la composition de la Commission.
La position du MEF est claire : c'est oui sans h�siter. Il nous faut nous mobiliser dans cette phase de d�bat, sachant que d�s que s'ouvrira la campagne officielle, le MEF devra garder sa neutralit� politique.
La r�ponse des Fran�ais est tr�s importante pour la suite : ce vote aux cons�quences lourdes est regard� dans l'ensemble de l'Europe. Notre choix doit �tre dict� par nos engagements depuis notre congr�s fondateur en 1948. Le contexte a �volu� : le mur de Berlin est tomb�, l'unification est en cours, l'environnement international reste tr�s inqui�tant. Dans ce contexte, on ne peut pas courir le risque d'une crise institutionnelle. L'avanc�e que repr�sente la politique de s�curit� et de d�fense doit �tre consolid�e, ce que seule permet la constitution. C'est aussi un choix qui doit rester ind�pendant de la question de la candidature turque.
La constitution est la premi�re �tape de l'Europe politique. Elle permet de consolider les avanc�es et de cr�er les conditions d'une Europe politique qui se projette vers l'ext�rieur. La d�mocratie progresse (droits du citoyen, clarification des comp�tences�). La souverainet� primaire reste entre les mains des peuples et de leurs repr�sentants. La primaut� du droit communautaire est reconnue (art I-5), ce qui est d'autant plus important que la Charte est int�gr�e dans la constitution. Le processus de vote est simplifi� et traduit la double l�gitimit� des peuples et des Etats.
La capacit� � faire entendre sa voix sur la sc�ne internationale est renforc�e, l'Eurogroupe est officiellement reconnu, avec une pr�sidence stable. Concernant l'espace de s�curit� de libert� et de justice, la bascule du troisi�me pilier dans la sph�re communautaire est un acquis fondamental. Cela couvre tous les aspects normatifs, m�me si la coop�ration op�rationnelle reste intergouvernementale. Le parquet europ�en est cr��.
En dehors de cet aspect fondamental de la naissance de l'Europe politique, la constitution affirme aussi la vocation sociale de l'Union : en int�grant la charte des droits fondamentaux, elle consolide de nouveaux droits sociaux. Cela s'imposera � tous les juges communautaires ou nationaux. Les objectifs sociaux ont la m�me port�e que les objectifs de march� int�rieur, et toutes les politiques de l'Union ont l'obligation de prendre en compte les objectifs sociaux (" clause transversale "). Le r�le fondamental des services publics est reconnu.
La constitution comporte sans doute des insuffisances : on aurait souhait� aller plus loin dans l'harmonisation sociale et l'harmonisation fiscale. Les choix de la France ont plut�t privil�gi� d'autres acquis comme la diversit� culturelle et linguistique. Cependant, la CIG n'a rien chang� dans ces deux domaines par rapport � la convention.
Concernant le processus de r�vision, il est certes lourd, mais il institutionnalise le passage par une convention. Pour la r�vision des proc�dures et des champs des politiques et actions internes, il y a des proc�dures simplifi�es (clause passerelle pour aller de l'unanimit� vers la majorit� qualifi�e).
Des avanc�es sont � noter dans les coop�rations renforc�es qui sont assouplies dans leur fonctionnement et leur champ d'intervention. Si le non l'emportait, le trait� de Nice resterait applicable et il serait beaucoup moins ais� de mettre en �uvre des coop�rations renforc�es.
La ratification cr�e les conditions de nouvelles avanc�es vers l'Europe f�d�rale. L'ouverture d'une crise ne nous mettrait pas en position de nous affirmer sur la sc�ne internationale. La n�gociation d'un trait� social sera plus facile � partir du socle de la constitution. C'est aussi ouvrir la voie � une meilleure dynamique pour les politiques communes. Il ne s'agit donc pas de se d�terminer en fonction de consid�rations politiques int�rieures mais en croyant � l'avenir europ�en.
Alain Lamassoure a d�montr� que le d�bat actuel marque un changement de nature de la construction europ�enne. Selon lui, les citoyens sont en train de prendre le pouvoir en Europe. Depuis cinquante ans, l'Europe s'est faite � l'initiative des grands gouvernements europ�ens, avec un soutien tacite des citoyens sans qu'ils soient jamais appel�s � se prononcer. Depuis deux ans, nous sommes dans une phase o� le syst�me devient d�mocratique et o� les citoyens entrent dans le jeu : pour la premi�re fois, un trait� europ�en a �t� �labor� par les repr�sentants �lus, de tous les partis, des citoyens europ�ens.
Les gouvernements en CIG n'ont pas os� y toucher beaucoup, r�alisant que la l�gitimit� politiquer de la convention �tait au moins �gale � celle du Conseil europ�en. Les gouvernements seuls ne sont plus l�gitimes. Pour ratifier ce texte, 10 Etats membres ont choisi le referendum. Cela est sans pr�c�dent.
On a peu relev� le saut politique qui est franchi � l'occasion de la d�signation du Pr�sident de la Commission europ�enne. Pour la premi�re fois, le Parlement europ�en s'est invit� en indiquant qu'il n'approuverait pas la nomination d'un personnalit� qui ne refl�terait pas sa couleur politique. Cela conduira ult�rieurement les partis politiques � annoncer � l'avance qui sera leur candidat � la pr�sidence.
Sous diverses pressions, le Pr�sident de la R�publique fran�aise a �t� amen� � dire que les futurs �largissements seraient soumis � l'approbation du peuple par referendum. La composition du club devra d�sormais recevoir l'approbation des citoyens.
Ce que nous souhaitions est donc en train de se passer : les citoyens prennent le pouvoir en europe. A partir de l� il faut mesurer les cons�quences politiques. C'est un saut dans l'inconnu comparable au passage du suffrage censitaire au suffrage universel en 1848. Ceux qui �taient hostiles au referendum comme mode de ratification avaient d'ailleurs les m�mes arguments que ceux qui �taient hostiles au suffrage universel en 1848. Nos compatriotes ne connaissent pas encore bien le fonctionnement de l'Union. Cela veut dire que nous allons nous trouver face au choc que repr�sentent les pr�occupations des citoyens lorsqu'on va les interroger � propos de l'Europe. La proc�dure du referendum pousse effectivement � une simplification et � un grossissement de certains probl�mes qui sont les pr�occupations du moment et qui peuvent ne rien avoir en commun avec l'Europe ou avec le texte de la constitution.
Il nous faut donc une v�ritable strat�gie europ�enne pour le oui, au niveau europ�en, au niveau national et au niveau du Mouvement Europ�en.
Au niveau europ�en, cela implique une strat�gie de la ratification. Les referendum n'auront probablement pas lieu le m�me jour. Il faudrait que les plus enthousiastes votent en premier afin de cr�er une dynamique. Il faut aussi r�fl�chir aux sujets que les Etats et la Commission mettent � l'ordre du jour : �vitons de mettre sur la table les sujets sensibles qui peuvent parasiter le d�bat.
Au niveau national, la majorit� au pouvoir en France doit comprendre que le r�sultat du referendum d�pend en grande partie du vote de l'opposition. Il y a donc un devoir pour le pouvoir en place " d'aider " les partisans du oui au sein de l'opposition, comme cela a �t� le cas, en sens inverse, en 1992. Il faudrait que le referendum soit propos� par le parlement, afin de ne pas transformer le referendum en " vote pour ou contre Jacques Chirac ".
Le r�le du MEF est de recentrer le d�bat sur le vrai enjeu de cette constitution. Ce n'est pas la disparition ou non de la souverainet� fran�aise, et ce n'est pas non plus une Europe de gauche ou de droite : la question est voulons-nous une Europe politique ou un march� commun am�lior� ? Il nous faut aussi lutter contre les mensonges et les d�nigrements prof�r�s par les opposants � la constitution.
Pierre Moscovici rappelle qu'il dit " non au non " car c'est une attitude destructrice, " oui au oui " car ce texte m�rite qu'on le d�fende, en tant qu'Europ�en et en tant que socialiste. Il ne faut en tous cas pas opposer les gens qui " savent " -ceux qui ont �tudi� la constitution- � ceux qui " ne savent pas ", de m�me qu'il ne faut pas consid�rer les opposants � la constitution comme des menteurs.
Le referendum du trait� de Maastricht a obtenu un r�sultat mitig�, ce qui montre que les Fran�ais qui s'�taient d�plac�s en nombre ne voyaient pas ce que l'Europe leur apportait. Notre ambition doit donc �tre d'obtenir une ratification avec un score favorable sup�rieur aux 51% obtenus sur Maastricht, mais d'�tre beaucoup plus pr�s de 60%. Il ne faut donc pas une campagne d'autorit� mais une campagne de conviction. Il y a un doute sur la construction europ�enne dans notre soci�t�, et si nous l'ignorons parce que nous ne le partageons pas, nous risquons de mener mal notre combat. Beaucoup voient en l'Europe un cheval de Troie d'une forme de mondialisation et de lib�ralisme. Cela se cristallise sur la construction europ�enne parce qu'elle n'a pas �t� construite avec le citoyen europ�en, parce que tout n'a pas �t� r�ussi au cours des 20 derni�res ann�es, parce qu'il y a des doutes sur l'�quilibre entre l'�conomique et le social, parce qu'il y a des interrogations sur les fronti�res de l'Union.
Il y a aussi un besoin fondamental de r�orientation de la construction europ�enne, avec un trait� social, le d�veloppement des services publics, et un budget communautaire plus important qui donne � l'Union les moyens de poursuivre son int�gration. Si ces questions sont l�gitimes, la r�ponses ne peut pas �tre dans le refus du trait� constitutionnel.
Nous devons donc nous battre sur la base du texte de ce trait�. Il s'agit du premier pas de l'Europe politique, avec le r�le accord� au Parlement europ�en, l'augmentation du vote � majorit� qualifi�e dans des domaines essentiels, une augmentation de la capacit� de d�cision du Conseil, une reconnaissance du r�le des parlements nationaux, un droit d'initiative citoyenne, l'institution du ministre europ�en des affaires �trang�re, la clause sociale horizontale, la Charte des droits fondamentaux. Cependant, le Parlement europ�en ne sera un acteur m�r que lorsqu'il aura refus� une Commission qui ne lui convient pas. Il en a d�sormais la possibilit�.
Nous sommes devant le premier trait� politique et social de l'Union europ�enne. Il est absolument impossible de citer un article qui marque un recul par rapport aux trait�s existants, alors que l'on peut en citer des dizaines qui marquent des progr�s.
La deuxi�me question est celle de la crise : que se passe-t-il en cas de r�ponse n�gative ? Il ne suffit pas de dire que l'on en resterait � " Nice ". Pensons au sc�nario du jour d'apr�s. Nous savons ce que l'on peut imaginer comme d�veloppements des politiques de s�curit�, �conomiques� et qui sont permis par la constitution. Le refus de ce trait� aboutirait � une incompr�hension majeure de la part de nos partenaires europ�ens : les socialistes europ�ens eux-m�mes ont vot� en faveur de ce trait� � une majorit� �crasante au Parlement europ�en, la conf�d�ration europ�enne des syndicats a �galement pris position en faveur de la constitution. L'argument fran�ais est certainement d�cisif, car nos concitoyens n'ont pas envie d'�tre isol�s et ont un " d�sir d'Europe ".
En 1992, le Mouvement Europ�en avait �t� un acteur majeur de la campagne en organisant des tribunes. Deux sujets doivent �tre exclus du d�bat r�f�rendaire : le vote pour ou contre Chirac -il y aura un oui de gauche et un oui de droite, � condition qu'il n'y ait pas de tonalit� de vote de confiance pour la politique gouvernementale- et la question de l'adh�sion de la Turquie.
Il faut avant tout informer car la force du texte lui permettra de s'imposer.
Conclusion
A l'issue du d�bat avec le public,
Pascal Lamy a conclu ce s�minaire en rappelant que la question pour le MEF �tait d�sormais de savoir convaincre. Pour convaincre, il faut un diagnostic lucide sur la situation de ceux � qui l'on parle, qu'il s'agisse de leurs craintes, ou de leurs espoirs. Vis � vis de nos concitoyens, nous avons aussi des arguments forts, qui ont �t� expos�s ce matin, et qui doivent peser dans le d�bat europ�en.
Sur le contexte mondial de cette campagne de ratification, il faut souligner que le monde actuel va mal, qu'il est dangereux et que parmi ceux qui peuvent agir figure l'Union europ�enne si elle poursuit sa construction. L'exp�rience de Pascal Lamy comme Commissaire lui a montr� combien la construction europ�enne �tait per�ue comme importante par les autres pays, et de fa�on croissante. C'est un �l�ment de contexte fondamental sur lequel il faut argumenter.
Le contexte europ�en doit �galement �tre pris en compte : il y a eu une n�gociation au cours de laquelle des rapports de force ont jou�, la r�ponse des Fran�ais est post�rieure � cette n�gociation qui est d�sormais close. Par ailleurs, il n'est pas certain que le rapport de force �volue dans le sens de notre vision ou de notre ambition pour la construction europ�enne � court terme, m�me si cela n'est pas exclu � plus long terme.
Le contexte fran�ais a ceci de particulier que le d�bat ne se m�ne plus seulement entre pro-europ�ens et souverainistes, mais que la question pos�e est " quelle Europe voulons-nous ? ". Nous sommes donc face � des gens qui nous disent qu'ils votent non � la constitution en se disant plus " europ�ens " que nous. C'est donc un nouveau type de bataille que nous avons � mener. Cela implique des innovations dans nos strat�gies pour le oui.
Par rapport � des p�riodes ant�rieures, l'opinion n'est pas dans une phase tr�s positive vis � vis de l'Europe, qui n'est pas per�ue comme la solution aux craintes mais parfois plut�t comme le probl�me.
Quelques arguments contre ce trait� constitutionnel m�ritent d'�tre d�mont�s : l'intangibilit� du trait�, la question de l'Europe " n�o-lib�rale ", l'id�e que l'on pourrait ren�gocier, et les d�localisations.
Sur le premier point, on entend souvent dire que ce trait� sera " grav� dans le marbre ". Il faut donc expliquer que le trait� constitutionnel n'est pas plus " dur " que les autres mais qu'il est plus " clair " que les autres.
Concernant l'Europe " n�o-lib�rale ", il faut reconna�tre que la question se pose dans la mesure o� l'�quilibre entre la partie �conomie de march� et les politiques de solidarit� n'est pas assur� dans les trait�s actuels, notamment sur le plan des proc�dures (majorit� qualifi�e ou unanimit�). Pour l'instant, nous sommes dans un rapport de force qui n'a pas permis de faire mieux. Cependant l'unanimit� n'a pas emp�ch� de faire de l'harmonisation fiscale (TVA, �pargne) lorsque les rapports de force y �taient favorables. Cela ne rel�ve pas de la constitution mais d'un consensus politique qui n'a pas �t� r�uni, mais qui a d�j� exist� et qui peut se renouveler.
L'id�e que l'on pourrait ren�gocier est fausse, � court terme au moins. Dans le syst�me europ�en d'aujourd'hui, nous ne sommes pas assez forts pour imposer une ren�gociation conforme � nos v�ux apr�s un vote n�gatif. La France n'a plus ce poids en tant qu'Etat-nation. M�me d�sagr�able, il faut accepter l'id�e qu'un " non " fran�ais ne sera pas " refondateur ".
Les d�localisations, enfin, sont certes un argument fort qui b�n�ficie de l'attention des media. La r�ponse statistique ne suffit pas : il faut reconna�tre ce sujet qui suscite beaucoup d'anxi�t� et que certains lient � la construction europ�enne. Il faut donc expliquer que l'imp�t sur les soci�t�s n'est qu'une des variables qui motivent une d�cision, qu'un faible taux d'imposition sur les soci�t� est bien souvent li� � la pauvret� du pays, et que le vrai probl�me des d�localisations n'est pas avec la Pologne ou l'Estonie mais avec la Chine. Et si un acteur peut agir en mati�re de normes sociales, environnementales� c'est bien l'Europe.
Cette p�riode est une chance pour le MEF, prenons donc ce d�bat comme une bonne nouvelle et comme une occasion de mobiliser les personnes favorables au trait� constitutionnel. C'est, en effet, la mobilisation le jour du vote qui sera d�cisive, car les opposants ne manqueront pas d'aller voter. Il s'agit donc de b�tir d�s � pr�sent des rapports de confiance avec nos concitoyens afin de pouvoir les convaincre de se d�placer pour voter oui au referendum.